carantec le pors -trez
En ce temps-là, dit-on, il ne restait plus qu’une barque entre Penhors et La Torche, et cette barque était la sienne.
Ne me demandez pas comment avaient disparu les autres, le fond de la mer doit en savoir quelque chose.
L’Homme à la Barque pêchait tout seul dans la baie, à l’écart des flottilles de Penmarc’h ou d’Audierne.
Ce n’était pas un homme sauvage, mais il avait sa tête à lui et personne n’a jamais réussi à savoir ce qui se passait dans cette tête-là.
Personne et surtout pas sa femme, une noiraude taciturne qui écorchait deux ou trois champs pelés sur la palud derrière le cordon de galets sonores,
pour avoir quelques pommes de terre à mettre autour de son poisson.
Lui ne vivait que pour la mer et n’avait de soin que pour sa barque. Jamais ses mains ne s’occupaient d’autre chose que du mât, de la voile et de la coque. Peut-être même n’avait-il aucun souci de la pêche, car il lui arrivait assez souvent de laisser ses filets au sec et, ces jours-là, les pommes de terre devaient se passer de poisson.
Au reste, la part de sa femme et la sienne étaient si bien séparées que l’Homme à la Barque n’aurait pas daigné donner un coup de bêche ou aller autour de la vache, dans les années grasses où il y en avait une dans l’étable. La femme, de son côté, ne portait jamais ses pieds nus plus bas que la ligne de goémons qui marquait la limite de la haute mer,
son mari lui ayant déclaré, une fois pour toutes, qu’un marin de bonne race devait parvenir jusqu’à là de ses propres forces
avant de demander l’aide des paysans. Telle était la coutume des Anciens.
Et c’est pour respecter cette coutume que mourût l’Homme à la Barque, devenu déjà vieux et plus intraitable que jamais. Une nuit de septembre, un grand navire s’en vint donner, toutes voiles dehors, sur les rochers au large de Penmarc’h.
Le vent était si fort que les huniers et les perroquets furent arrachés et emportés à plus d’une lieue dans les terres et les paysans s’en firent de bien rudes chemises.
L’Homme battait la côte comme il faisait à chaque fois que levait la tempête. Avec mille peines il parvint à pousser sa barque dans les vagues.
Le premier il atteignit le navire démantelé.
Il lutta toute la nuit pour sauver les âmes en perdition.
Quand parut l’aube, après six va-et-vient, il avait ramené dix-sept naufragés au port de Saint-Guénolé.
Sans mot dire, il reprit la mer et mit le cap sur sa maison dont le pignon blanc luisait sur la palud.
Quand la barque s’échoua sur la grève, il s’évanouit d’une fatigue mortelle. C’était marée basse. Le flux anima le pauvre bougre.
Il sortit de sa barque et se traîna sur les genoux vers le cordon de galets.
Mais il ne trouvait plus sa respiration et la mer gagnait sur lui, de plus en plus forte.
Là-bas, derrière la ligne de goémons, sa femme l’attendait, raide debout, tricotant un bas de laine. Il fallait qu’il arrivât par ses propres forces.
Mais les vagues, maintenant lui crevaient sur les épaules, le renversant à chaque fois. Il eut encore le temps de voir sa barque folle passer devant lui sans dire adieu.
Il entendit le bruit que fit la quille en heurtant le rocher. Alors il se laissa aller. Quand il fut avalé par la mer, à trente pas devant elle,
la tricoteuse ramassa son ouvrage et s’assit sur les galets pour chanter Libera.
Plus tard la veuve éleva de ses mains une soue pour un petit cochon. Elle voulait avoir un peu de lard salé pour engraisser ses pomme de terre. Et c’est la barque sui servit de toit pour la soue.
Dès lors, la petite ferme fut appelée La Barque de l’Homme.
Et ce fut toute la différence.
kerlouan vieille fermePierre-Jakez Hélias
Source : Pierre-Jakez Hélias
Les contes bretons du Pays bigouden chez Jos Le Doaré
Pierre Jacques Hélias dit Pierre-Jakez Hélias
Pêr-Jakez Heliaz), né le
à Pouldreuzic finistére et mort le à Quimper (Finistère), est un journaliste français homme de lettres et folkloriste ,
langue bretonne et française .
Merci Monica
RépondreSupprimerUne belle page écrite et en plus la photo de la barque est magnifique
Bonne journée
Rose 🌹
Un joli conte.
RépondreSupprimerBon mercredi Monica.
Christian
Coucou Monica.
RépondreSupprimerJ'ai aimé relire ce conte que tu as magnifiquement illustré. Merci !
Bises et bon mercredi - Zaza
Je découvre ce conte, merci Monica, belle journée, bises jill
RépondreSupprimerHello Monica
RépondreSupprimerUn conte qui raconte bien le danger de la mer ... Mise a part les pomme de terre ou je met des tranches de citrons de mon jardin à la place hi hi hi
Bon Mercredi
bizz
Pat
Un auteur que j'ai plusieurs fois lu. Il avait toujours des récits savoureux.
RépondreSupprimerUn conte qui montre l'imbécilité des traditions qui laissent les gens figés dans une façon de vivre sans liberté d'action. L'un et l'autre du couple aurait fait fi des coutumes, le brave pêcheur aurait encore été un peu de ce monde.
Bonne journée Monica
on aurait pu croire à une âme noire et têtue, mais pas après avoir sauvé tant de gens !
RépondreSupprimerC' est la barque le héros de l' histoire !
Passe une bonne journée
Bisous
Bonjour Monica, un joli conte Breton comme quoi aider les autres n'est pas toujours une bonne chose, hihihi Bon mercredi et bon week-end du15 Aout.
RépondreSupprimerun joli conte
RépondreSupprimerBonjour joli conte sur la mer. Bon mercredi bisous.
RépondreSupprimerJe ne connaissais ce petit conte de Pierre Jakez-Heliaz, par contre j'ai lu le cheval d'orgueil qui fit beaucoup de bruit à sa sortie.
RépondreSupprimerBelle journée
Kénavo
bonjour Monica, bien ton article, belles photos ,non ici à Erdeven 56 il fait 22° pas plus demain il fera plus ,bonne journée bises
RépondreSupprimerUn bien joli conte breton avec de belles photos pour l'ullustrer
RépondreSupprimerBisous Monica et bon mercredi
je me souviens de nos passages à Pouldreuzic...de cet auteur et de Hénaff !!!
RépondreSupprimerBonjour Monica
RépondreSupprimerbeau ce conte, je ne connais pas ce monsieur
c'est beau ce qu'il écrit
belles tes photos, tu as pris du bain du matin ?
ici encore chaleur
belle journée et gros bisous
Elyci
Bonjour Monica,
RépondreSupprimerun conte un peu étrange mais qui rend bien compte de la rudesse des gens de l'époque...
Bises.
Kenavo,
Bon après-midi,
Mo
Salut,
RépondreSupprimerJ'aime les contes
Le temps est hyper chaud alors on se calfeutre dans le salon.
J'espère que tout va bien chez vous.
Je viens de faire un nouveau site et il n'y pas de PUB emmerrda,te et les stats sont supers bonnes.
Je vous souhaite un bon week-end du 15 août.
BONNE JOURNEE
Tiotte et Tiot